© Jacques Demarthon,
AFP | Nassrin Abdallah (à droite), combattante kurde du YPG qui a
participé aux combats à Kobané, donne une conférence de presse avec la
co-presidente du PYD Asya Abdellah (au centre), le 9 février 2015 à
Paris.
François Hollande a reçu, pour la première fois, des
représentants de la principale organisation des Kurdes syriens, le PYD,
dont la branche armée a vaincu les jihadistes de l’EI à Kobané. Ils
demandent un soutien accru de la France.
Le président Hollande a reçu, dimanche 8 février, une
délégation du principal parti kurde de Syrie, qui contrôle depuis 2011
les zones kurdes du nord syrien. Lors de cette rencontre, qualifiée
d’historique par les Kurdes, la co-présidente du parti de l’Union
démocratique (PYD), Asiya Abdellah, et Nassrin Abdalla, commandante de
la branche féminine des Unités de protection du peuple (YPG, branche
armée du PYD), ont demandé une aide logistique de la France pour contrer
les jihadistes de l’organisation de l’État islamique (EI).
“C’est une rencontre historique et c’est peut-être une première étape
vers quelque chose de positif”, a déclaré Asiya Abdellah, lundi soir.
“La rencontre s’est bien passée mais maintenant on attend des gestes
concrets, des actes de la part de la France. Pour vaincre Daech
[acronyme arabe de l’EI, NDLR], qui dispose d’armes sophistiquées, nous
avons besoin d’armes”, a-t-elle affirmé. “François Hollande a salué la victoire de Kobané,
on lui a dit qu’on était prêts à combattre de manière plus forte encore
et qu’on souhaitait qu’il y ait un bureau entre la France et les kurdes
qui permette de coordonner ces actions”, a rapporté la co-présidente du
YPG.
Le PYD, “organisation terroriste” au même titre que le PKK ?
Cette rencontre intervient après les contacts directs survenus en
octobre entre le parti kurde et des responsables américains à Paris,
présentés comme sans précédent par Washington. Par ailleurs, le
président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani,
doit rencontrer François Hollande, mardi soir à Paris.
À l’Élysée, la rencontre organisée dimanche avec le PYD est qualifiée
de “réunion plutôt de nature d’information privée” et l’on insiste sur
les “très bonnes relations avec les Kurdes” sans donner davantage de
précisions sur l’aide qui leur est apportée.
Le parti kurde syrien est considéré par la Turquie comme une
“organisation terroriste” au même titre que le mouvement frère du Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène depuis 1984 la guérilla sur
le sol turc. Le PKK figure également sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne, sans que le PYD, ni sa branche armée le YPG, ne soient mentionnés.
La “victoire” kurde à Kobané
La visite du PYD a Paris fait suite à son avancée sur le terrain face à l’EI en Syrie. Le mouvement est sorti renforcé de la bataille de Kobané,
ville syrienne kurde à la frontière turque. Sa branche armée, appuyée
par les frappes aériennes de la coalition emmenée par les États-Unis, a
infligé l’une des plus importantes défaites à l’EI en reprenant le
contrôle de la ville le 26 janvier.
Après leur victoire à Kobané, les combattants du YPG s’emploient
désormais à sécuriser les zones alentour. “La campagne de libération des
environs de Kobané a déjà commencé, cette campagne continue avec
succès, et nous avons à ce jour libéré 140 villages”, a souligné la
co-présidente du PYD. “Ce qui est stratégique pour nous c’est d’avoir un
corridor, notamment entre les deux cantons de Kobané et de Cezire, mais
entre les deux il y a les forces de Daech, c’est pour cela qu’on a
besoin d’aide.”
Avec Reuters et AFP
Première publication : 10/02/2015
http://www.france24.com/fr/20150210-france-kurdes-syrie-francois-hollande-paris-etat-islamique-pyd-ypg-pkk-turquie-terroriste/
Massoud Barzani à Paris pour plaider la cause des Kurdes
Le chef du
Parti démocratique du Kurdistan (PDK) était mardi 10 février à Paris où
il a rencontré le président français, qui avait déjà reçu dimanche
8 février des représentants kurdes de Syrie.
SAFIN HAMED/AFP
Masoud Barzani, le chef du Parti démocratique du Kurdistan
(PDK) était mardi 10 février à Paris, ici à Mount Sinjar à l’est de la
ville de Mossoul, le 21 Decembre 2014.
Mardi
10 février, c’est au tour de Massoud Barzani, le chef du parti
démocratique du Kurdistan, d’être reçu par François Hollande. Ce
responsable de l’une des deux principales composantes politiques du
gouvernement régional du Kurdistan, région quasi autonome de l’Irak,
succède ainsi aux représentants du principal parti kurde de Syrie, le
PYD (Parti de l’Union démocratique) dirigé par Saleh Muslim, qui avaient
eux aussi monté les marches de l’Élysée, dimanche 8 février.
> À lire : Les Kurdes d’Irak veulent un référendum d’indépendance
Massoud
Barzani, 69 ans, est le fils de Mustapha Barzani, chef historique du
mouvement national kurde en Irak. Il est né à Mahabad, en Iran, à
l’époque de l’éphémère République de Mahabad, alors que son père y
occupait le poste de général en chef.
Un leader incontournable
À
la tête du gouvernement régional du Kurdistan, il s’est imposé comme un
des leaders incontournables de la région. Son territoire dispose
désormais d’une quasi-autonomie par rapport à la capitale Bagdad depuis
1991.
L’irruption de Daech dans la province frontalière du
Kurdistan, à Mossoul et dans la province de Ninive l’été dernier, a
obligé les Peshmergas (combattants) kurdes à intervenir militairement
pour repousser les combattants islamistes en épaulant une armée
irakienne incapable de relever le défi.
Massoud Barzani y a gagné
d’obtenir de fait la souveraineté sur des territoires longtemps disputés
avec Bagdad comme Kirkouk et ses riches gisements pétroliers.
Les Peshmergas en première ligne
Ses
combattants, soutenus par la coalition internationale conduite par les
États-Unis, ont repris ces derniers jours un cinquième du territoire aux
djihadistes dans le nord de l’Irak, près de la ville stratégique de
Mossoul, selon des informations publiées par l’armée américaine.
Le mythe de Daech vaincu
S’exprimant
samedi 7 février, à Munich à la conférence sur la sécurité, Massoud
Barzani a déclaré que « même si Daech n’a pas encore été éradiqué, les
Peshmergas kurdes ont réussi à vaincre le mythe de Daech ».
Il est
sûr que Massoud Barzani a l’intention de demander des compensations le
moment venu. Absent récemment d’une réunion de la coalition
internationale à Londres où il n’avait pas été invité, il a regretté que
« le peuple du Kurdistan se sacrifie et que le crédit aille à
d’autres ».
Dans un entretien à Al Hayat, quotidien arabe publié à
Londres, publié samedi 7 février, il a lancé un avertissement au
premier ministre irakien, Haïdar al-Abadi. Pour que le Kurdistan demeure
au sein de l’Irak, le pays doit adopter « un autre système de gouvernance », a-t-il déclaré.
« Les frontières du Proche-Orient sont en train d’être redessinées par
les armes et dans le sang, Haïdar al-Abadi a entre ses mains la dernière
chance de sauver l’unité de l’Irak. »
Agnès Rotivel
Le combat d’un peuple pour sa reconnaissance
Funérailles des combattants de la liberté kurdes : Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez à Amed (Turquie), janvier 2013.
“Öcalan
et la question kurde”, ce soir sur Arte à 23 heures.
La chaîne diffuse
un documentaire instructif sur l’histoire, encore ostracisée, des Kurdes
et de leur principal mouvement de lutte, le PKK d’Abdullah Öcalan.
À
l’offensive contre les djihadistes
de l’« État islamique », en Syrie,
les combattants kurdes sont en train de gagner une reconnaissance
internationale pour laquelle ils luttent depuis le lendemain de la
Première Guerre mondiale, quand leur territoire a été divisé entre
quatre pays : l’Irak, la Syrie, la Turquie et l’Iran. Ce sont les
grandes étapes de cette histoire que remet en perspective ce
documentaire passionnant de Luis Miranda.
Mesure-t-on bien que les Kurdes, avec 35 millions
d’individus, représentent le « plus grand peuple au monde sans État » ?
Des années de mise au ban par l’Union européenne et les États-Unis ont
ostracisé la question kurde dans les opinions publiques occidentales.
Et, malgré quelques inflexions dues à la situation au Moyen-Orient, la
principale organisation militante, le Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK), est toujours cataloguée comme « terroriste ». « Tout le
monde sait que ce n’est là qu’une concession (de l’UE et des États-Unis
– NDLR) à la Turquie, membre de l’Otan », analyse Luis Miranda.
De 1918 à nos jours, en passant par la création du PKK en
1978 et l’arrestation de son dirigeant Abdullah Öcalan en 1999, le film
se veut le plus complet possible. Il nous entraîne au cœur de la vie
politique turque. « Si j’avais été premier ministre en 1999, j’aurais
fait pendre Abdullah Öcalan », déclare, en 2011, l’homme fort du pays,
l’islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan. De fait, si celui-ci a
commencé son mandat de premier ministre, en 2003, par quelques
concessions aux Kurdes, il a toujours poursuivi la politique de
répression contre les militants du PKK.
Au-delà de l’enjeu territorial, ce parti a une identité
idéologique forte, qui puise dans le marxisme mais aussi l’écologie
sociale et le féminisme. On pourra regretter que le documentaire ne
fasse qu’effleurer cet aspect, quasi systématiquement passé sous silence
dans les médias dominants. Mais le réalisateur nous a confié travailler
en ce moment sur un autre film, dont ce sera le sujet central. Dont
acte. En attendant, Öcalan et la question kurde offre une bonne entrée
en matière.